Matera envoyé spécial
«Il aurait fallu bombarder tout ça», dit le véhément octogénaire qui, vers minuit, prend le frais rue Fiorentini. «T'es vieux, tu vis dans le souvenir! Mais regarde comme c'est beau, toutes ces lumières, ces maisons blanches remises à neuf! C'est notre richesse...» Derrière eux, un homme est en train de peindre une porte. «Lui, il était boulanger. On venait tous prendre notre pain chez lui. Venez voir, il a tout refait! Là, il y aura un café, une brasserie à la française, des tables sous la tonnelle et de la musique.»
Même s'il existe des paysages comparables, on reste sans voix quand, depuis les hauteurs panoramiques de la Murgie, on découvre pour la première fois les Sassi de Matera, tant la suggestion et la fascination qu'ils produisent est forte. Les «cailloux» sont les anciens quartiers de Matera, une structure urbaine unique au monde, déclarée Patrimoine de l'humanité par l'Unesco. L'agglomération proprement dite est posée sur un plateau: elle a le charme du paisible chef-lieu méridional, avec ses places, son corso, ses dizaines d'églises, sa cathédrale romane, son université, ses start-up, son industrie du fauteuil-salon. Et sa fête de la Madonna della Bruna, qui, le 2 juillet, l'éblouit de ses pyrotechnies et des cris de la foule prenant d'assaut le char triomphal de la Vierge en papier mâché. Au centre de la ville s'ouvre, comme un amphithéâtre, un ravin au fond duquel coule la Gravina. C'est sur ses parois qu'ont été, au cours des siècles, par e