A la Belle Epoque, on ne se battait pas seulement à propos du patriotisme du capitaine Dreyfus. Des lambris de l'Assemblée jusqu'aux arrière-salles des gargotes, on s'empoignait vigoureusement sur les méfaits de la «fée verte». La Faculté, avec le soutien des ligues de vertu, des associations catholiques et des hygiénistes de tout poil, stigmatisait le délabrement galopant de la classe ouvrière. La responsable, évidemment, l'absinthe, et son principal composant, la thuyone, aux effets épileptogènes. La misère sociale, version l'Assommoir de Zola, se traduisait même en chiffres: plus de 20 millions de litres consommés par an. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. En 1830, les soldats de la coloniale reviennent auréolés de gloire après avoir conquis l'Algérie. Les fiers combattants avaient une boisson fétiche, l'absinthe. L'alcool, qui, jusque-là, n'avait pas dépassé les frontières de la Franche-Comté, connaît un succès fulgurant. Dans les cafés des boulevards, les salons littéraires et parmi toute la bonne bourgeoisie, on s'émerveille des vertus de ce breuvage inventé par le Dr Ordinaire, à la fin du XVIIIe siècle. Autrement plus rafraîchissante que les vins cuits aromatisés de l'époque, l'absinthe est une boisson moderne. Trouvaille marketing, l'alcool se trouble en de superbes volutes quand on y verse de l'eau. Et le cérémonial du sucre imbibé d'eau versée à travers une cuillère d'argent finement ajourée, le goût, anisé et inédit, tout cela renforce le triomphe. Les choses
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