A 17 h 30, la salle des mariages de la mairie du XIIIe arrondissement de Paris est pleine à craquer. Il fait une chaleur étouffante, la foule s'évente, impatiente, mais le maire ne vient pas. Une mince femme brune entre discrètement. Elle fait quelques pas, regarde autour d'elle: les fauteuils couverts de velours rouge, les dorures du plafond, les fresques murales. Elle sourit. «Je trouve cette salle magnifique.» Silence. «Jeanne s'est mariée ici, il y a soixante-douze ans... Elle ne se souvient pas du lieu, elle avait sans doute autre chose à penser.» Le décor grandiloquent s'efface, le temps s'arrête, la salle attend.
La conteuse Evelyne Albré a pris aujourd'hui la place du maire. La foule ne vient pas célébrer une union, mais écouter des histoires d'amour, passionnelles, cruelles ou drôles. Il était une bergère poignardée par son amant. Il était deux braves vieux qui s'offraient des pommes blettes. Il était un Chinois qui ressuscita pour sécher les larmes de sa belle. Evelyne Albré mêle fiction et réalité. Des légendes de Chine, sa spécialité, histoires abracadabrantes, pleines de revenants et de métamorphoses. Et les romances d'habitants du quartier, au temps des calèches et des guinguettes.
Tout sourire. Jeans usés, mal rasé, caché derrière ses mèches brunes, un jeune homme d'une vingtaine d'années écoute sans bouger. Au premier rang, une femme aveugle caresse son chien, tout sourire, elle semble absente.
Evelyne Albré fait partie des 18 conteurs invités par Muriel Bloch,