Antithèse radicale de l'humour si noir de Sonatine, qui le révéla au public occidental, Getting Any? de Takeshi Kitano, réalisé juste après en 1995, est une bonne grosse farce fumante, un ovni dans la filmographie du yakusa de Tokyo. Une sorte de grand pétage de plombs organisé autour d'une féroce satire de la société japonaise. C'est aussi une pochade en rupture complète avec le reste d'une oeuvre désormais bien connue en France, et donc longtemps frappée d'amnésie.
Comique télé. Pourtant Getting Any? n'a rien d'une maladie honteuse. C'est avant tout le doigt vengeur tendu par Kitano vers un public japonais boudeur, qui a toujours refusé de voir en lui autre chose qu'un comique télé (ce qu'il est par ailleurs, et brillamment, sur plus de huit chaînes nationales depuis vingt ans). Comme si Beat Takeshi (son surnom télé) prenait le contrôle du Kitano auteur-reconnu-dans-le-monde-entier afin de tout faire exploser. Ce qui a d'ailleurs failli lui arriver pour de bon: quelques jours avant la sortie du film au Japon, Kitano eut un grave accident de moto dont il garde encore les séquelles sur son visage grimaçant.
Ainsi Getting Any? («T'as une touche?») en fait des tonnes, tordant dans tous les sens cet art du comique qui l'a fait star en son pays. Catégorie sketchs scatos, gags foireux, parodies de parodies, on frôle l'overdose. Asao, jeune homme naïf et fauché, est bien décidé à s'offrir par tous les moyens ce qui constitue son maigre mais unique but dans la vie: «Baiser en auto.»