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Libération
Critique

Les pellicules manuscrites d'Andreï Tarkovski

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publié le 15 août 2001 à 0h24

Où l'on apprend qu'Andreï Tarkovski, l'un des plus grands cinéastes, mort le 29 décembre 1986, était aussi un écrivain. Son livre le plus célèbre, le Temps scellé (1989), tenait davantage de l'essai philosophique et esthétique; son Journal, annoté entre 1970 et 1986 (publié aux Cahiers du cinéma en 1993), apportait de précieux renseignements sur les films tournés et les nombreuses tracasseries administrativo-politiques rencontrées. Mais voici que les onze scénarios édités sous la direction de Charles de Brantes, avec rigueur et amour du travail bien fait, soulignent la puissance romanesque d'un artiste qui aimait par-dessus tout les livres, les histoires, les poèmes de son père, et savait camper personnages et situations à travers des dialogues plutôt fins et des descriptions précises.

Canevas. Pourtant, Tarkovski l'avait assez dit: «Le scénario n'a jamais constitué pour moi un genre littéraire. Il expire dans le film...» (le Temps scellé). Mais peut-être n'avait-on pas pris garde à d'autres indices: «Le scénario est une structure fragile, vivante, prétexte à l'exploration. C'est pourquoi le scénariste doit être un véritable écrivain», affirmait-il par ailleurs. Si un «non-genre», une «non-littérature» a cependant besoin d'un «véritable écrivain», c'est sans doute parce que les scénarios de Tarkovski ne ressemblent pas aux canevas attendus. Ce qui frappe à leur lecture, c'est effectivement cet aspect absolument «écrit»: ces 900 pages se lisent comme un long roman fait de onze