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Libération
Critique

«Mission» pétrifiante

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En ralentissant à l'extrême les scènes d'action, le Hongkongais Johnnie To réécrit le polar.
publié le 22 août 2001 à 0h27

L'image du combattant de Matrix, immobilisé dans l'espace tandis que la caméra pivote autour de lui, est devenue, en deux ans, la figure la plus pillée, citée et détournée du cinéma contemporain. Ces dernières semaines, Scary Movie 2, Shrek et Comme chiens et chats l'ont tous pastichée. Et à chaque fois, dans la salle, les rires fusent comme si la simple reconnaissance de cet effet sidérant (qui ne date pourtant pas de Matrix), réalisant en un mirage virtuel l'impossible fusion de l'immobilité et du mouvement, suffisait à provoquer la jubilation.

Figures de cire. Dans The Mission de Johnnie To, la caméra tourne aussi autour de combattants statiques. Mais cette fois, les acteurs ne sont plus figés artificiellement par un trucage de labo. Plus simplement, ils ne bougent plus. En plein échange de tirs, ils se raidissent et tiennent une pose, les revolvers braqués les uns sur les autres, comme des figures de cire. L'action se suspend. Le mouvement ne subsiste plus qu'à l'état infinitésimal de quelques gouttes de sueur perlant sur les fronts. Le film pourrait ne jamais reprendre, et on resterait là à contempler ces gravures de mode, pétrifiées dans leurs costumes sombres, se tenant en joue sans ciller dans des architectures urbaines gris métallisé.

Cet effet Matrix sans trucage, reproduit à plusieurs reprises, est à la fois l'acmé du film et sa raison d'être. A l'heure où le polar urbain de Hong-kong est pillé partout, que l'industrie cinématographique de l'ex-colonie est à terre,