Vienne correspondance
Pour connaître ce que pensent les Autrichiens, il n'est pas meilleur instrument que le courrier des lecteurs du Kronen Zeitung, quotidien tabloïd aux relents volontiers xénophobes, lu par un quart de la population. Une certaine Heidemarie Fischer a par exemple exprimé sa «colère contre la représentation répugnante que Gérard Mortier nous a proposée de la Chauve- Souris». «La plupart des gens veulent voir les pièces dans leur forme originelle, et non dans une version moderne et abominable», renchérit un professeur de Vienne, qui qualifie Mortier de «salisseur de l'Autriche», dont les pièces «bafouent les valeurs religieuses de notre pays». Plusieurs lecteurs s'interrogent sur «la responsabilité de nos hommes politiques à utiliser nos impôts pour subventionner de telles choses», et tous de conclure: «Nous ne pouvons que nous réjouir qu'il quitte enfin Salzbourg!»
La haine que Mortier a cristallisé contre lui au sein du peuple autrichien ne date pas de cette dernière édition. En prenant la succession de Herbert von Karajan à la tête d'un festival qui s'enlisait dans l'ennui et le business des maisons de disques, le jeune (48 ans à l'époque) directeur belge se voyait échoir une tâche contradictoire: inventer une programmation à l'opposé de celles conçues par son prédécesseur, tout en évitant de brusquer le public.
Une tâche d'autant plus lourde que la presse autrichienne, dont les goûts s'éloignent finalement assez peu de ceux des lecteurs du Kronen Zeitung, n