Londres intérim
«C'est vraiment là que vous voulez aller?», demande, inquiet, le chauffeur de taxi londonien. «Là», c'est Willesden Junction, lieu de tournage de Spider, le prochain film de David Cronenberg. Un no man's land industriel, dans le grand nord de Londres, entre autoroute, voies ferrées et supermarché discount Makro. Les nuages bas dessinent des ombres sur le bitume mouillé. «Vous savez où vous allez?» Non, pas vraiment. «Vous voulez que j'attende avec vous?» Ça ira. Frissons.
Des techniciens aux visages burinés, aperçus entre deux rangées de camions, semblent indiquer le chemin. Une cantine improvisée sous une tente propose des breakfasts pour le moins virils, avec bacon, omelette et saucisses, le tout arrosé d'un thé sortant d'un jerrican de campagne militaire. Epais, noir et amer. De quoi tenir quinze heures d'affilée sans faiblir. Une vieille Mercedes bordeaux des années 70, les vitres teintées, s'avance à petite vitesse. On s'attend à voir débouler des truands. Mais c'est l'acteur irlandais Gabriel Byrne qui sort de la voiture, magnifique, le regard bleu caraïbe sous une crinière noir corbeau.
Il joue le père de Spider, lui-même interprété par Ralph Fiennes en version adulte, et le jeune Bradley Hall en version enfant tourmenté. L'action se déroule dans les années 70 puis de nos jours. Spider, tendance parano précoce, est convaincu que son père a tué sa mère. Et qu'il est le prochain sur la liste. Après un long internement en institut psychiatrique, il revisite,