Il se passe aujourd'hui avec le Chinois Jia Zhang-ke le même phénomène d'émerveillement absolu qu'avait suscité hier la découverte des films de l'Iranien Abbas Kiarostami. Il s'agit certes dans les deux cas d'artistes marginaux travaillant au coeur de régimes autoritaires sous haute vigilance de la censure, l'un et l'autre penchés avec acuité et mélancolie sur les aspects les plus quotidiens de l'existence nationale, et plutôt portés à filmer la campagne, la province, la frange effilochée d'espaces où le pouvoir se dessine en un creux amer et déconcertant plutôt que les zones saturées des villes.
Platform, pourquoi ne pas l'écrire, est un film génial: deux heures et demie sidérantes où les éléments déjà stupéfiants du premier film de Jia Zhang-ke, Xiao-Wu, artisan pickpocket, sont étendus et augmentés. En résulte une fresque de la perdition générationnelle, sur les traces d'une poignée de jeunes gens rongeant leur frein entre 1979 et 1989, date des sanglants événements de Tiananmen où le régime communiste perdit le peu de légitimité qui lui restait.
Propagande. Platform s'ouvre par la représentation du Train à destination de Shaoshan, un must des spectacles de propagande à la gloire de Mao. Sur scène, les comédiens, assis à la queue leu leu, imitent la course folle de la locomotive du progrès à travers le pays. La troupe se compose d'adolescents et de jeunes adultes menés par un homme pas beaucoup plus vieux, mais porte-voix du Parti, dictant les valeurs morales et les grandes