Vera Pagava naquit en 1907 dans la même contrée où, vingt-huit ans plus tôt, Joseph Vissarionovitch Djougachvili avait vu le jour. Ce Géorgien, ensuite dénommé Staline, succéda donc à Lénine en 1923; l'année où, las des tortures, les parents de la jeune fille fuirent Tiflis (Tbilissi) pour atterrir à Berlin, alors capitale effervescente et cosmopolite.
Vera Pagava côtoie là les émigrés russes (peintres, écrivains, musiciens, comédiens). Débarquant à Paris un peu plus tard, elle sait qu'elle veut être peintre, elle fait connaissance de la bande des Russes de Paris, Soutine, Kikoïne et autres. Persuadée qu'un jour elle repartira vers son pays. «Toute sa vie, elle a cru qu'elle bouclerait ses valises pour rentrer, que les choses finiraient par changer. En 1988, elle est morte à Montrouge dans son atelier, où elle avait vécu modestement, pauvrement même», dit aujourd'hui le cinéaste Otar Iosseliani, compatriote et ami qui se souvient de la simplicité de cette femme harmonieuse et fragile, et qui jamais ne se vantait, et qui travailla, travailla «tranquillement dans son coin».
Serein. L'idée de tranquillité, le sentiment d'un calme serein, comme obstiné, l'impression d'un silence sensible et dense envahissent le visiteur dès la première des salles que le musée de Saint-Dié consacre à l'oeuvre de Pagava: soit un rassemblement important de toiles prêtées par Thamar Taly, amie d'exil et galeriste qui peut raconter, elle, comment, en 1943, Jeanne Bucher révéla le talent de Pagava en l'