Un haut et un jean noirs. Une fois ôté son costume de scène, en fille d'aujourd'hui qui lit de la science-fiction, Lucy Russell n'a plus qu'un rapport tordu à l'héroïne anglaise de Rohmer, au point qu'on en oublierait l'abyme existant entre un acteur et son personnage. On se trouve entre deux femmes introuvables.
Aux actrices rassurantes, Rohmer aura préféré cette fille cinématographiquement vierge pour qu'aucune image ne fasse écran à notre relation au personnage. Impossible dès lors d'imaginer Grace assise en tailleur, mangeant un club sandwich. Et difficile de voir Lucy dans l'éclairage d'une fin d'après-midi de juillet qui ne lui offre pas l'intégrité lumineuse dont l'actrice jouit dans le film. A Lucy, il manque Grace telle que Rohmer la peint, mariage de blanc cassé et de crème, rehaussé à la mort du roi d'un peu de noir. Mais à la première intonation de sa voix, ce sont soudain deux femmes qui parlent. Alors, saluons Lucy pleine de Grace.
Après un passage par la France, jeune étudiante, elle s'en est retournée dans son cher Londres, en 1995, pour finir de passer une licence d'italien. Puis a soudain bifurqué pour s'inscrire en cours de théâtre. A l'été 1999, elle tombe sur une annonce de casting. De Rohmer, Lucy ne connaissait que le nom. L'annonce spécifie que le film portera sur Grace Elliott. Elle file en bibliothèque et envoie une cassette où elle lit un passage des Mémoires. Quelques heures avant Noël, Rohmer lui offre le premier rôle de sa vie, cadeau fait dans un