Vitrine du photojournalisme international, Visa pour l'image confronte les façons de voir et de montrer le monde. A preuve, les expositions en noir et blanc du vétéran Wayne Miller et du jeune Per-Anders Pettersson.
Une femme en tablier blanc balaie le trottoir, au pied d'un perron que descend un homme en costume, tandis qu'une fillette s'éloigne en sautillant vers d'autres piétons: il passe, dans cette photo paisible de Wayne Miller, quelque chose d'une Amérique idéalement middle class, encore baignée, à la fin des années 40, d'une atmosphère à la Capra. Sauf que tous les protagonistes sont noirs, artistes célèbres (Duke Ellington, au Savoy) ou passants anonymes, captés dans le South Chicago d'après guerre. Hommes redoublant d'élégance pour les enterrements, gamins qui jouent au base-ball coiffés d'un galurin, adolescentes dont la modeste coquetterie se réfugie dans des chaussures à talon... Une société aux franges de la misère, mais appliquée à travailler dur sur les voies d'une intégration conforme aux canons Wasp («White Anglo Saxon Protestant»).
Bonne conscience. Certes, Wayne F. Miller, jeune photographe sortant tout juste de trois ans de guerre (il aura été l'un des premiers à «documenter» Hiroshima), n'est pas dupe. Il sait ce qui sépare ce monde-là de l'autre, et le montre: les «studettes» où les familles s'entassent; ou, pire, ces vieux immeubles aux galeries de bois, donnant sur des ruelles jonchées d'immondices, où sont relégués les plus démunis. Il sait aussi