Menu
Libération

Un mystère gravé dans le roc

Article réservé aux abonnés
A 2 500 mètres d'altitude, le randonneur de la vallée des Merveilles, dans l'arrière-pays niçois, découvre 10 0 000 gravures chargées de 5 000 ans d'histoire. Religieuse, artistique ou philosophique, leur signification reste énigmatique.
publié le 14 septembre 2001 à 0h48

Castérino (Alpes-Maritimes) envoyé spécial

De lourdes nuées débordent des cimes déchiquetées et ensevelissent les pentes encore enneigées du mont Bégo dans un linceul gris traversé de grondements lointains et de lueurs métalliques. Dans le refuge surpeuplé au bord du lac Long, on raconte des histoires de bergers foudroyés et on évoque ces études scientifiques qui, paraît-il, ont établi qu'on est là, entre 2 500 et 3 000 mètres d'altitude, dans l'un des points les plus foudroyés du globe, en raison (peut-être) des métaux qui transpirent de ses roches. Des éclairs, affirment les autochtones, montent parfois du sol vers ceux que lance le ciel furieux. Les «merveilles» de ce pays sont de celles que Marco Polo rapportait de ses voyages ­ meraveglie en piémontais désigne ces choses fascinantes, et souvent effrayantes, que content ceux qui sont allés «là-bas» ou montés «là-haut»: bergers, contrebandiers, ermites, seigneurs ou érudits. Comme le sieur Pierre de Montfort, qui écrivit à son épouse, en l'an de grâce 1460, qu'il y avait trouvé «lieu infernal avecques figures de diables et mille démones partout taillez en rochiers». Longtemps on vit l'oeuvre de Satan, ou de ses adorateurs, dans les énigmatiques graffitis qui ornent des milliers de roches dans le chaos laissé par le reflux des glaciers, entre la cime du Diable et le lac Carbon, la Valmasque (val de la Sorcière) et le val d'Enfer.

Le ciel était pourtant d'azur quand on a entamé à l'aube, sous les mélèzes et les pins, la monté