Jean-Marie Straub et Danièle Huillet filment depuis 1964, Pedro Costa depuis 1988. Les premiers sortent Ouvriers, paysans, le second Dans la chambre de Vanda. Coïncidence de calendrier? Front de cinéma contemplatif? «Nos films s’opposent», répondent-ils. Faut-il les croire? Costa n’est-il pas le récent auteur d’un Danièle Huillet, Jean-Marie Straub cinéastes/Où gît notre sourire enfoui, pour la série Cinéastes de notre temps (Arte)? Rencontre dans l’appartement parisien des Straub, entre deux générations de cinéastes-artisans. Et dialogue à contre-pied, pour dépasser l’étiquette «radicaux» qui pèse sur leurs films et préférer à leur propos la formule qu’employait autrefois Jean Eustache à propos d’un Renoir ou d’un Dreyer: «Mais le cinéma, c’est le pied!»
La patience
Jean-Marie Straub. J'ai beaucoup trop parlé. L'entretien est dangereux: on retombe toujours dans les clichés que le travail du film consiste justement à dynamiter. Nous réunir aussi est une mauvaise idée: nos deux films ne se ressemblent pas, mais ils ont un air de famille. Pedro a passé deux ans dans le quartier de Vanda, nous, on a toujours travaillé avec cette patience. Ce que nos films ont en commun, c'est leur luxe. La seule difficulté qu'ils présentent est la liberté absolue qu'ils laissent. Les gens ont peur de cette liberté.
Pedro Costa. J'ai fait le film pour les gens du quartier dans lequel je l'ai tourné.
Les petites filles de province
P.C. Vanda sort dans une salle. C'est la charité: il n'y