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Libération

Le pactole élémentaire

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publié le 21 septembre 2001 à 0h52

Pourquoi Houellebecq vend-il autant? Parce qu'il ouvre le cercueil aux refoulés. Quand il déclare dans une interview au mensuel Lire que l'islam est une religion de con, il a peut-être bu ou il le croit peut-être, c'est son choix (et le vôtre), mais il est surtout malin: il quitte le champ commercialement étriqué de la littérature pour celui, beaucoup plus vaste et fertile, du fait divers sociologique. Il rejoint son personnage, Michel, dans une zone trouble et attirante, un triangle des Bermudes dans lequel 250 000 acheteurs s'engouffrent en dix jours. La curiosité et la perversité jamais négligeables du grand public sont attisées: plus Houellebecq parle dans les journaux, moins son roman est clair, plus on le lit. Le personnage est-il l'auteur? Son livre est-il une confession? Fait-il l'éloge du tourisme sexuel? Est-il de gauche ou de droite? Vichyste et raciste? Révolutionnaire, réactionnaire? Chacune de ces vieilles questions banales, on se les pose à tout propos dans la presse, à la télé, dans la vie. Houellebecq agit comme un ramasse-miettes: il recueille avec efficacité tout ce qui traîne, clichés, malaises, désirs, ambiguïtés, veuleries, fantasmes, refoulements. Puis, il le met à plat dans un livre qui se lit vite, bien et sans effort.

On peut donc acheter ce livre pour plusieurs raisons, exclusives ou conjuguées; parce qu'on a lu et aimé ses précédents; parce qu'on veut savoir de quoi tout le monde parle; parce qu'on est raciste soi-même ou parce qu'on ne l'est pas;