Est-ce un effet de la relativisation de toutes choses qui, par les temps qui courent, contamine le moindre de nos jugements? Le fait est que les grands mots («émotion», «bouleversant») qu'on aurait dégainés en mai au Festival de Cannes à propos de la Chambre des officiers ont du mal fin septembre à sortir. D'autant que la Chambre des officiers parle de la guerre, celle que, par une épouvantable antinomie, on qualifia de «grande». Sauf que François Dupeyron la filme petite: du point de vue d'un seul homme, Adrien, jeune lieutenant de bonne famille qui en août 1914, comme tous les hommes, partit au front de la boucherie en fredonnant le conte de fées d'une guerre éclair.
Cobayes. A peine le temps à la gare de rencontrer une belle inconnue, d'une nuit d'amour, de rejoindre son affectation, que déjà, au son d'un obus qui le cueille, Adrien se retrouve réduit à l'état de purée humaine, une de ces «gueules cassées» qui, pendant la guerre de 14, furent tout autant des synonymes visibles de l'horreur que des cobayes pour la chirurgie plastique balbutiante. Exit la fresque historique et son tralala de reconstitutions antiquaires. De fait, le film aura lieu en chambre, en l'occurrence une salle d'hôpital où ont été regroupés quelques massacrés de la même espèce. Dès lors, Dupeyron s'aventure sur le plancher extrêmement fragile, par risque d'effondrement dans le pathos, du film «à monstre» où ont déjà brillé au moins deux titres (Elephant Man de David Lynch ou, sur un sujet jumeau, John