A Taiwan, où ses films ne rapportent presque pas d'argent, Tsai Ming-liang a écrit un scénario pour un producteur français (Bruno Pesery, producteur de Resnais, Carax, Assayas): histoire d'un vendeur de montres, Hsiao Kang (toujours lui), qui vient de perdre son père, et se sent dans Taipei comme emmuré, y rencontre furtivement une jeune femme à qui il vend sa propre montre, sa «montre porte-malheur». La femme part pour Paris, avec à son poignet cette montre à double cadran. Et là-bas, quelle heure est-il? Récit du monde comme il va: déréglé.
Mélancolie adoucie. A Cannes, on a pu dire du film qu'il était le moins impressionnant, le moins théorique aussi, de l'auteur de la Rivière et The Hole. A Paris, on a retrouvé un film qui a les qualités de ses défauts: un mouvement d'ouverture vers l'extérieur, acquis à tâtons, au moment où le cinéma de Tsai Ming-liang menaçait d'asphyxie. Une mélancolie adoucie, sur laquelle il est soudain moins ardu de se régler. On peut choisir d'aimer tout autant un film boiteux qu'une oeuvre exténuante de perfection. C'est ici le cas.
Et Tsai Ming-liang? Un cinéaste peut-il, un jour, avoir peur du système formel qu'il a lui-même patiemment construit? S'est-il effrayé de ces circulations languides à l'intérieur desquelles ses images risquaient de s'enliser, accablées d'un poids étrange, d'une insurmontable incapacité à redevenir des scènes poignantes? N'est-ce pas le sujet même de son cinéma? Espérer se remettre un jour à désirer, que ce soit ici ou a