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Libération
Critique

Bernard Sobel si près d'Ubu

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publié le 28 septembre 2001 à 0h57

C'est dans le creux d'une gigantesque main en résine blanche que se déroule le Ubu roi imaginé par Bernard Sobel et créé cet été en Avignon. Les comédiens y glissent, l'escaladent, disparaissent dans des trappes. On peut y voir une métaphore du pouvoir absolu, prêt à briser les hommes entre ses phalanges. Mais cet Ubu évoque tout autant un grand jeu enfantin, une fable menée à fond de train par un Denis Lavant qui est bien mieux qu'un bouffon grotesque: un petit homme saisi du démon du verbe, un poète surchauffé qui embarque son monde dans une surenchère de paroles, un Don Quichotte qui aurait pris le pouvoir. Il est flanqué d'une Mère Ubu (Flore Lefebvre des Noëttes), qui a l'élégance froide d'une Lady Macbeth. Du coup «l'énorme parodie malpropre» ­ le mot est de Catulle Mendès ­ imaginée par Jarry en 1896 n'est plus seulement une pochade prémonitoire des horreurs du XXe siècle mais une mésaventure dont nous sommes partie prenante. D'autant que Sobel s'amuse à émailler son spectacle de références historiques, à commencer par l'Internationale chantée en prologue, juste avant le premier «Merdre!» du Père Ubu. Sobel rappelle en somme qu'un Ubu sommeille en tout un chacun. Ce que Jarry disait déjà: «Monsieur Ubu est un être ignoble, ce pourquoi il nous ressemble à tous.»

Réalité et fiction

«Et si en 2001 le scandale d'Ubu consistait en ce que la réalité, tout autour de nous, a dépassé la fiction et plus encore en ce que l'intolérable de cette réalité soit devenu tolérable?» Berna