«Rien qu'avec les poubelles, on pourrait habiller tout Paris.» Dans le minuscule atelier du 22, rue Jean-Moinon dans le Xe arrondissement, des jupes tubulaires, quelques CD de Brigitte Fontaine, le visage d'un Nouba peint sur un débardeur en nylon, une affiche des Casseurs de pub et un fer à repasser qui fait sauter les plombs. Pierre, Dani et Anne, associés depuis deux ans, créent des vêtements aux allures de jeu de Lego avec les chutes des grossistes. Le goût de la marqueterie textile leur est venu il y a trois ans, rue du Faubourg-du-Temple. Dans le caniveau, Pierre et Dani trouvent un rouleau de tissu. Ils cousent bout à bout les morceaux en une longue spirale qui se métamorphose en robe chasuble pour une copine enceinte. Depuis, c'est une manie. Pierre fréquente assidûment les poubelles du Sentier. Le soir venu, il y croise des Asiatiques fabricants de chouchous, des stylistes et des mémés fauchées et couturières. Mais aussi des flics chargés de verbaliser le «délit de chiffonnage». Pierre a appris à se cacher ou à «jouer à l'idiot», ses trouvailles planquées dans le sac à dos.
Chaque semaine, il rapporte une mosaïque de tissus à pois, à rayures ou façon camouflage matière première (après passage à la machine) des nouveaux modèles: jupes, étoles, sacs, hauts à manches longues... Dani, autodidacte, et Pierre, ancien étudiant en arts plastiques, travaillent «le vêtement comme une sculpture, en partant de l'idée du tube». Pour les pinces ou les emmanchures, c'est Anne,