La tribu inuk des Asa n'a jamais existé que dans l'imagination délirante de ses concepteurs, Odile Darbelley et Michel Jacquelin qui, à eux deux, font tout: ils photographient, filment en vidéo, écrivent, enregistrent, mettent en scène. Après Avignon cet été, ils s'installent avec leurs créatures, ainsi que leur indescriptible bric-à-brac, délirant et hilarant, au théâtre de la Cité internationale. Plutôt que d'Inuit, il faudrait parler d'un petit regroupement d'inouïs, tant ces «eskimos» sont étranges: à la fois chasseurs (de météores), grands consommateurs de peaux de bêtes (à concours), et virtuoses dans l'art de la sculpture sur glace (au cho colat). Leur existence grégaire, grâce aux recherches fulgurantes de nos deux savants, est désormais un terrain anthropo-esthétique défriché avec tous les raffinements de la science, bien que leurs rituels les plus sophistiqués (se frotter le nez en guise de bienvenue, par exemple) soient inventés de toutes pièces. Ces Asa sont zazous et, s'ils sont passés maîtres dans l'art de quelque chose (ce qu'on ne leur souhaite pas), c'est celui du calembour et du jeu de mots. Ce qui fait de cette imposture un spectacle tout à fait réjouissant, et un «dispositif» vraiment expérimental. L'usage de la vidéo, notamment, est d'une intelligence limpide et surprenante. Voici un rare privilège: apprendre en s'amusant, découvrir la vie hyperréelle de nos amis Asa tout en se moquant finement de notre propre regard qui transforme tout en oeuvre d'art.
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