C'est Jean-Marie Straub qui parle. Il répond, en compagnie de Danièle Huillet, à un entretien mené par François Albera et publié par la revue suisse de cinéma Hors-Champ (1). «Le film militant de nouveau enferme les gens dans l'urgence, commence Straub. Et l'urgence, on y est, c'est l'aboutissement du système qui a inventé les chambres à gaz; l'urgence actuellement, elle nous vient de la social-démocratie anglaise et de la social-démocratie française, ça consiste non plus à massacrer des juifs mais à massacrer des centaines de milliers de bêtes de manière préventive pour maintenir le marché. Même si certains juifs en prennent ombrage, il n'y a pas de différence entre ça et le massacre des juifs, c'est le même esprit et c'est le même système industriel et c'est der gleiche Geist (2), comme dirait Hölderlin, qui a inventé les chambres à gaz et ce système-là. Après tout, il n'y a pas besoin d'être hindou pour savoir qu'un être vivant est un être vivant qu'il soit un juif ou un mouton, d'ailleurs les juifs le savent bien parce que l'agneau pascal c'est eux qui l'ont inventé.»
La stupeur que l'on ressent devant ces phrases est spontanée et n'est pas forcément rationnelle. Elle vient d'abord de la brutalité des propos, leur absence de gants. Elle vient aussi, surtout, de la disjonction profonde qui se produit entre ce que l'on sait déjà et ce que l'on craint d'apprendre.
Ce que l'on sait, c'est qu'il n'y a pas cinéaste plus antifasciste que Jean-Marie Straub et Danièle Huillet et qu