Compositeur français majeur disparu il y a neuf ans, Olivier Messiaen n'a jamais été aussi populaire. L'an dernier, deux de ses élèves officiellement adoubés, Pierre Laurent Aimard et Roger Muraro, publiaient des lectures essentielles de ses Vingt Regards sur l'Enfant Jésus, tandis que son Quatuor pour la fin du temps s'enrichissait de nouvelles gravures. Cette saison, après la compilation intitulée le Monde d'Olivier Messiaen (Deutsche Grammophon), on annonce deux nouveaux enregistrements d'une oeuvre fétiche des années 70, intitulée Des canyons aux étoiles. Mais le véritable événement, c'est la publication par Roger Muraro de l'intégrale de l'oeuvre pour piano seul.
Pour comprendre l'importance de la musique de Messiaen, on peut écouter son ultime Eclairs sur l'au-delà, dédié à Myung Whun-Chung. En quelques mesures s'impose le caractère unique d'un langage inventé pour traduire «la gloire de l'univers». Un langage fait de modes à transpositions limitées, de rythmes non rétrogradables inspirés autant par la métrique grecque, le plain-chant grégorien, que par les déçi-tâlas hindous et de chants d'oiseaux, notés avec la rigueur scientifique de l'ornithologue et transcrits avec la poésie du croyant. Messiaen, en qui la médecine tenait la preuve de la synopsie (capacité à voir les sons en couleur), radicalise la fusion de l'harmonie et du timbre debussyste et identifie le son à l'espace en construisant des figures lisibles dans tous les sens, dans un refus de la pulsation réguli