Ce n'est pas seulement la diffŽrence d'‰ge qui explique que philosophie et cinŽma aient eu tant de difficultŽs ˆ se marier. La vieille dame grecque avait d'autres soucis Ð du genre: Çpourquoi y a-t-il de l'?tre plut™t que rien?È Ð et elle n'ežt jamais pensŽ devoir s'intŽresser ˆ ce CinŽmatographe tremblotant qui, comme ses fr?res hurluberlus, KinŽtoscope, Vitascope, Praxinoscope et Animatographe, voulait faire croire que les images s'animaient toutes seules, et dont Louis Lumi?re lui-m?me disait qu'il Žtait Çsans avenirÈ. Elle s'Žtait d'ailleurs toujours mŽfiŽe des copies du rŽel et des illusions. Aristote dit certes dans la PoŽtique (4, 1448b, 10-15) que Çnous prenons plaisir ˆ contempler les images les plus prŽcises des choses dont la vue nous est pŽnible dans la rŽalitŽ, comme les formes des monstres les plus rŽpugnants et les cadavresÈ. Mais son ma”tre Platon avait frappŽ l'image d'un tel anath?me Ð la rŽalitŽ sensible Žtant dŽjˆ trompeuse, alors imaginez ce que doit ?tre son imitation ou sa reproduction! Ð que, dans la tradition philosophique elle sera toujours dŽprŽciŽe, source d'effroi parfois, spectre ou fant™me, source de fourvoiement toujours, ombre, faux-semblant, mirage, simulacre, idole.
Elle avait cependant la peau dure, l'image. RŽsistant ˆ l'ostracisme thŽorique, s'armant, se recouvrant de sels d'argent, s'alliant ˆ la couleur, au son, au mouvement, au temps, elle finira par triompher (1), allant jusqu'ˆ jouer le tour pendable, en se numŽrisant, d'exister sans