Berlin de notre correspondante
Dix fois, vingt fois, les trois solistes répètent leur entrée en scène. «Là! Tu te retournes, lance le directeur artistique, Lutz Daberkow. Tu reviens en arrière et tu le prends par le bras. Comme ça! Allez, encore!» Depuis dix heures du matin, «l'orchestre des chômeurs» répète le gala d'opérette qu'il doit donner le lendemain. Il est bientôt 17 heures, mais le directeur s'acharne, encore et encore, à tirer tout ce qu'il peut de sa troupe.
«Il me faut un basson!» Dans cet ancien théâtre de «l'armée populaire» de la RDA, caché entre les immenses barres d'immeubles de l'est de Berlin, se joue un des drames les plus émouvants de la scène culturelle allemande. Il pleut à travers les plafonds, les murs se délabrent et le chef d'orchestre implore: «D'ici demain, il faut absolument me trouver un basson! Je me suis déjà fait une raison pour la harpe. Mais sans basson, on ne peut pas jouer.» L'orchestre H.M.H. (acronyme pour Hellersdorf, Marzahn, Hohenschönhausen, trois quartiers berlinois bétonnés du temps de la RDA), plus connu sous le nom «d'orchestre des chômeurs», peine, geint, mais tente de vivre. Tous ici, musiciens, solistes ou chef d'orchestre, sont des professionnels, issus des très nombreux orchestres de la RDA dissous depuis la réunification (lire encadré). Plutôt que de se morfondre chez eux, ils ont réussi en 1999 à convaincre l'agence pour l'emploi et la municipalité de Berlin de les cofinancer. Pas moins de 500 musiciens au chômage se sont