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Libération

Jean d'Orsenna

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publié le 26 octobre 2001 à 1h23

Il y a un léger anthrax dans leur succès ordinaire mais, en ces temps difficiles, les deux O vendent tout de même bien leurs histoires. Jean d'Ormesson et son Voyez comme on danse (Laffont), titre mi-vieux beau, mi-baisemain, a déjà attiré 100 000 acheteurs. Erik Orsenna, lui, a vendu en quelques semaines 80 000 exemplaires de La grammaire est une chanson douce (Stock). Peu à peu, Erik se glisse avec naturel, pour le tailleur à sa mesure, dans le queue-de-pie de Jean. Appelons-le Jean d'Orsenna.

Les deux O sont les fantômes galants et rusés de la bourgeoisie. Ils ont pratiqué la haute fonction publique et touché aux grands. Ils sont à l'Académie française, lieu distingué où l'on pend la langue au vestiaire. Ils se présentent comme des jouisseurs mondains et touche-à-tout, chacun dans sa classe d'âge. L'aîné représente pour le bourgeois vieillissant l'idée qu'il se fait d'un écrivain: un personnage de style, imitation d'ancien garantie, si possible aristocratique, capable de causer de tout avec brio, courtoisie et un brin de vulgarité. Le cadet, lui, capte les nouveaux bourgeois. Il est semble-t-il de gauche. Dans un monde mouvant, il change volontiers de genre, de style, de thème. Il écrit des romans et de brefs essais qui tombent à pic. Sans cesse il s'adapte: Orsenna est un auteur synchronisé, tout-terrain et en formation permanente, comme nous tous. Jamais il ne fabrique le goût; mais il le suit de si près qu'on finirait par le croire.

L'Exposition coloniale, prix Goncourt