Le morcellement industriel qui caractérise l'industrie du jeu vidéo pose un sérieux problème au critique comme au joueur. Si l'on compare ce loisir à la musique, on trouve d'emblée une différence cruciale: tous les disques du monde sont compatibles avec tous les lecteurs de CD de toutes les marques. Le libre arbitre du mélomane ne porte pas sur le format technique du disque, qui est unique, mais sur la diversité de la qualité des matériels et des marques au service de ce format. Idem pour la vidéo, où, après le VHS, le DVD s'impose comme norme mondiale. Avec le jeu vidéo, c'est une tout autre histoire.
Il y a d'abord une faille épistémologique fondatrice qui a séparé deux univers: le PC et l'arcade, cette dernière ayant directement enfanté la console, qui en est une réduction domestique. A l'intérieur même de l'empire des consoles, les divisions exclusives façonnent le paysage: à l'heure actuelle, de très nombreux jeux vidéo peuvent soit n'être disponibles que sous un seul format (par exemple les excellents Zelda 64, uniquement en cartouches Nintendo), soit sous divers formats incompatibles entre eux. De surcroît, lorsqu'un jeu passe d'un format à un autre, il est souvent modifié et donne lieu à des éditions spéciales qui insistent sur les différences avec le modèle original. Le résultat est à la fois coûteux et frustrant pour le joueur, sommé de choisir son camp ou de se ruiner en équipement.
Bien sûr, l'industrie du jeu vidéo cherche depuis toujours à nous faire croire que l