Il faudrait vérifier que cela arrive pour la première fois, on parierait que oui: le couronnement d'un roman qui commence par «mais». Ce n'est pas rien d'écrire le mot «mais» au début d'un livre, c'est prendre le lecteur à contre-pied, lui signifier que, quel que soit l'effort qu'il fera, il lui manquera toujours ce qui précède ce «mais», ce qui le justifie, ce qu'il contrarie. Les héros de Marie NDiaye sont des héros contrariés, c'est là souvent leur seul héroïsme, survivre, tant bien que mal, à la contrariété, sans avoir la force ni même l'audace de s'y opposer, ils la subissent, se laisser user, abuser, simplement survivre, ne pas chercher à comprendre, ils renoncent pour survivre, ils renoncent à eux-mêmes, à eux-mêmes à qui ils ne tiennent pas tant que ça, pauvres de nous. Et dans le vide que crée ce renoncement, le diable s'installe.
Fidélité. Rosie Carpe commence ainsi: «Mais elle n'avait cessé de croire que son frère Lazare serait là pour les voir arriver, elle et Titi, que Lazare, frère aîné, aurait le bon goût de lui épargner l'attente inquiète et légèrement humiliante parmi la foule de vacanciers que des hôtes rétribués, eux, venaient chercher, surgissant de toutes parts avec leur grand sourire blanc...» Bien sûr, Lazare ne viendra pas accueillir sa soeur à la Guadeloupe, lui aussi a reçu depuis le temps sa part de diable, il vit avec d'autres fantômes que nous reconnaîtrons bien plus tard puisque, à cette première phrase du livre, l'histoire est c