(envoyé spécial à La Rochelle)
Dans le tohu-bohu de la danse contemporaine, qui s'obnubile sur le corps sous toutes ses coutures, et surtout sans couture, Sophie Lessard joue une partition asynchrone. Elle est en train d'inventer le corps comme rumeur. Rumor, rumoris, bruit qui court. Le corps chorégraphié dans Faire Play court comme le furet. «Il court, il court, le furet, le furet du bois, Mesdames»: la rumeur est d'abord celle de voix enregistrées qui font l'objet d'un mixage au terme duquel elles sont «rendues» aux auditeurs sous forme de polyphonie aléatoire glissant d'une oreille à l'autre, d'une signification à un son, d'une parole à une intonation. Elle est ensuite celle de photographies projetées sur les murs, par terre, sur les danseurs ou la musicienne au gré des évolutions, des moments, des pauses. Elle est enfin la danse elle-même, d'interprètes qui ont l'air de chercher leur pas comme un mot qu'on a sur la langue et qui trouvent leur tempo comme des musiciens qui font un boeuf.
Pluriel. Mais ce ne sont pas les corps qui font une rumeur, c'est tout le contraire. C'est la rumeur qui s'incarne à la manière dont un vagabond endosse une défroque de fortune. A rebours de récentes tentatives qui s'escriment à traquer l'essence du corps (comme s'il y en avait une) dans l'exposition de la nudité et l'exacerbation d'une intimité qui vire au cliché, l'exercice des huit danseurs ici convoqués est d'emblée pluriel et libidinalement objectal; autrement dit, tourne le dos au na