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Libération
Critique

Sombres nomades de Sfumato.

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publié le 20 novembre 2001 à 1h40

C'était il y a dix ans, exactement. Dans une soupente du Palais national de la culture de Sofia, nous étions quelques-uns à découvrir, ébahis, un trésor européen neuf et ignoré: le théâtre Sfumato. Margarita Mladenova et Ivan Dobchev, entourés d'un groupe d'acteurs fervents, à l'écart du monde, travaillaient à réinventer le théâtre en se réappropriant et en dépassant à leur manière des héritages allant de Stanislavski à Grotowski. Le nom choisi, sfumato, emprunté à Léonard de Vinci, était déjà un manifeste: travailler du côté des fonds perdus, creuser l'indistinct, toucher au mystère de l'être au-delà des apparences, bref «peindre l'invisible».

Alerté par Philippe Thiry, alors directeur de l'Onda (Office national de diffusion artistique), le Festival d'automne les faisait venir à Paris dès la saison suivante. Depuis, le Sfumato est plusieurs fois revenu présenter ou créer des spectacles (comme la Cerisaie, de Tchekhov, au Festival d'Avignon en 1996), diriger des stages (par exemple, au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris). Ils participent régulièrement à des festivals européens comme Berlin, Hambourg ou Torun (en Pologne). Au printemps dernier, ils étaient au Japon.

L'été 2000, ils ont créé la Toison noire au Festival d'Avignon, un spectacle «qui puise son inspiration dans l'image mythique des Karakatchanes», peuple nomade de bergers des montagnes balkaniques. «Kara» veut dire noir, «Karatch», réfugié. «On se sent attiré par l'énigme de ces nomades sombr