Plus jeune, elle écrivait des histoires de princesses. Puis elle s'est mise à vouloir adopter les objets abandonnés. Des phares de taxi ou de 2CV dénichés «à la campagne», des bonhommes de Baby-foot dégotés aux Puces de Saint-Ouen, des gaines électriques, des isolants en porcelaine rapportés du Japon, des clignotants d'auto-tamponneuses tout droit sortis de fêtes foraines...
Rié Yagura a aujourd'hui trente-six ans, elle construit des lampes, des chaises ou des coiffeuses. Elle joue avec ses objets orphelins, les amasse, les marie, les emboîte. Sous le nom de «Mademoiselle Y», la jeune femme japonaise assemble les contraires: un costume pour homme avec du crin végétal et des fils électriques, pour fabriquer un fauteuil; le tissu d'un kimono de son grand-père et du laiton argenté pour créer un Minitel tsukue (3 600 F ou 549 euros), une sorte de table à plateaux multiples pour Minitel. Elle invente des monstres hybrides, étranges et élégants: un projecteur fixé sur un pied d'appareil de géomètre se transforme en lampadaire (9 500 F ou 1 450 euros), un néon agrippé à une jauge à eau en bois, dont la peinture est rongée et écaillée, devient une applique bucolique: «J'ai reçu une éducation extrêmement sévère, au sein d'une vieille famille de négociants de saké à Osaka. A mon arrivée en France, j'ai voulu décaler la tradition...» Son père l'envoie danxs l'Hexagone étudier l'oenologie, pense qu'elle reprendra l'affaire familiale, lui a déjà trouvé un mari. Mais Rié ne commence jamais