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Libération

Goncourt et circonstances

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publié le 23 novembre 2001 à 1h42

La saison des prix littéraires s'achève et, comme d'habitude, les scènes de la polémique ordinaire occupent les journaux. Ces jours-ci, une grosse publicité Flammarion, éditeur de Michel Houellebecq, affirme que le vrai Goncourt 2001, ce n'est pas Rufin, l'auteur primé de Rouge Brésil, mais bien lui, Houellebecq, l'écrivain de Plateforme. Il y a donc deux frères Goncourt. L'un, Jean-Christophe, est l'usurpateur, le prince Jean choisi par les barons véreux et amortis. L'autre, Michel-Coeur-de-Lion, est le souverain légitime et exténué, de retour d'un long exil sexuel et raciste en Thaïlande (ou en Irlande). Pour le rétablir sur le trône, huit preux critiques sont appelés. Leurs noms s'affichent sur la publicité. Ce sont les conscrits du bataillon Houellebecq. Involontaires, sans doute. Placés là comme autant de médailles sur un veston de représentant. Mais à leur place quand même: on sent qu'ils aiment tant le prix Goncourt qu'ils en inventeraient volontiers un second ­ le leur ­ puisqu'ils ont voté. Ils en seraient les jurés purs, sincères, pleins de bon goût et de sens du devoir; des essences de jurés; bref, des précieux ridicules. Ce procédé du placet abusif avait déjà été employé, en 1919, par Albin Michel. L'éditeur donnait le Goncourt à son poulain, Roland Dorgelès, contre le primé, de chez Gallimard déjà, un minable nommé Marcel Proust.

Le Goncourt a pourtant quelques qualités. Tout d'abord, il a beaucoup d'enfants. Des mômes Goncourt baptisés Novembre, puis Décembre, o