Le Caire de notre correspondante
La main s'envole, flotte un instant dans la lumière. Puis s'abat, franche, sur la courbe des hanches. Un pied qui part, une jambe envahie par la houle, et tout le bassin s'enflamme, roule et s'affole. «Danse, ma belle, danse!» Dans la pénombre de la salle, les yeux brillent, les doigts s'agitent aux pulsations sourdes du tabla, les pieds s'impatientent. Sous le regard tendrement moqueur de sa femme, un homme s'arrache à l'obscurité et rejoint la danseuse sur la scène. Un instant immobile derrière ses longs cils outrageusement fardés, elle l'observe. Puis d'une rotation arrogante, l'invite dans la danse.
Comme cette nuit, au cabaret Vendôme, au pied des Pyramides, il n'est de soir où le Caire n'ait connu de danse. Plus qu'aucune autre, la cité aux mille minarets fait naître des images de lascives almées et d'ensorcelantes Schéhérazades. Penser au Caire, fermer les yeux. On entend déjà la flûte de roseau, le râle du violon, l'irrésistible appel des percussions. Et apparaît la danseuse, au ventre hypnotique, au corps souple de reptile. Il faut remonter aux pharaons, affirment les Egyptiens, pour trouver les origines du raqs sharki, la danse orientale. D'autres prétendent qu'il y a dix siècles, un peuple venu des montagnes du nord de l'Inde, celui que l'Histoire désignera plus tard par gipsy, amena avec lui en Egypte une danse exclusivement féminine. Pratiquée pieds nus pour capter les énergies terrestres elle suggérait les douleurs de l'enfant