En quelques semaines, Jenny Bel'Air, de François Jonquet, est passé du statut de curiosité underground à celui de phénomène médiatique. Inconnue de bien des lecteurs du livre, Jenny est avant tout un personnage «fictionné» qui finit par se matérialiser de façon fascinante: un travesti n'ayant produit aucune oeuvre, mais qui, dans une logique warholienne, accède au rang d'icône. Le succès du livre est lui-même surprenant, en regard de sa structure: une première partie où amis et ennemis décrivent à leur façon le personnage, au risque de la contradiction, comme dans le Quatuor d'Alexandrie de Law rence Durrell. Dans la seconde partie, Jenny Bel'Air se raconte à la première personne. Derrière le portrait du «monstre», l'itinéraire de la «créature» plus humaine qu'il n'y paraît, le livre de Jonquet est le prétexte à une plongée dans la contre-culture des années 70, l'occasion de réévaluer son influence d'aujourd'hui.
Rares survivants d'une scène décimée prématurément, le journaliste François Jonquet et le performer Jenny Bel'Air se sont rencontrés il y a vingt ans. «Je débarquais à Paris à 19 ans et ne rêvais que d'une chose: entrer dans ces soirées dont on parlait dans les journaux. Par l'intermédiaire d'un ami, j'ai rencontré Jenny qui tenait, avec Paquita Paquin, Farida et Edwige "reine des punks", la porte du Palace, et qui vivait alors chez le photographe Willy Maywald. J'ai découvert d'un coup ceux qu'on appelait "les branchés", ce petit monde qui gravitait aux Halles, se d