L'adresse du rendez-vous, 5, avenue Marceau (XVIe arrondissement), du côté de Saint Laurent, incitait instantanément à quelques bouffées de Proust. Et de fait, tandis qu'à la porte s'entrechoquaient les télévisions du monde entier, dans un petit salon de la maison de couture décoré dans le goût du XVIIIe, il y avait quelques inévitables madame Verdurin mais surtout quelques Swann et des Guermantes: vieilles complices fidèles (Clara, Gabrielle, Anne-Marie), fameuses signatures ou illustres inconnues, quelques journalistes de renom telle l'indispensable Suzy Menkes du Herald Tribune, et surtout, assise au tout premier rang, Louise de La Falaise, port de reine et impératrice de beauté, collaboratrice de toujours qui fut de toutes les aventures. C'est dans ses yeux de féline qu'on put lire en direct le climat changeant de cette conférence de presse où pour la première et dernière fois de sa carrière, Yves Saint Laurent avait résolu de s'exprimer.
Mezza voce. Lorsqu'il arriva, ce fut l'hiver, la chaleur des flashes crépitant devenant l'unique bande-son d'un silence congelé par la sensation. Yves Saint Laurent, côtoyé par Pierre Bergé, s'assit derrière une petite table et lut sa déclaration très écrite qui ne fut pas tant un testament qu'un manifeste, leçon de style et de classe (lire page suivante), mezza voce, sans que la voix fléchisse bien que les mains tremblent. Et les couleurs revinrent aux joues, soudain l'été, lorsque Saint Laurent en un cyclone d'évocations, rappela une d