Rencontre avec Lucrecia Martel à Paris où elle est en résidence pour la Cinefondation (financée par le Festival de Cannes) depuis novembre et qui a donc vécu les événements dans son pays dans un étrange sentiment d'exil.
«Au moment où j'ai écrit le scénario de la Ciénaga, j'étais confrontée à la paralysie et au manque de réaction général des intellectuels et de la moyenne bourgeoisie en Argentine. C'était une sensation physique très perturbante, une incroyable inertie. C'est typique de ma génération d'avoir vécu le démantèlement politique et d'avoir été désactivée de toute forme d'engagement collectif. Je n'ai pas voulu que le film soit une métaphore de l'état du pays mais rendre compte, à travers mes souvenirs familiaux, de ce malaise, au fond très peu intellectualisé mais passant essentiellement par le corps. En fait, je crois avoir eu une enfance heureuse mais plus je m'en éloigne, plus certains éléments s'alourdissent. Ma ville natale, Salta, est dans le nord du pays, une région très catholique, conservatrice, raciste et hiérarchisée, un bel endroit pour grandir! Quand j'ai réalisé que je partageais ce sentiment d'étouffement avec toute une génération, la nécessité d'en parler m'est devenue pressante.
Quels gens représentent votre film?
La classe moyenne, moyenne-haute, décadente. Petit à petit, ces notables, ces propriétaires ou commerçants, ont vu leurs pouvoirs et leurs privilèges se déliter. Les hommes, la partie la plus immédiatement active de la société, ont été les p