Menu
Libération

Le philosophe qui se méfiait des mots.

Article réservé aux abonnés
Jean-Toussaint Desanti est mort à 88 ans. Il relevait d'une opération cardiaque.
publié le 21 janvier 2002 à 21h44

Il y a quelques jours (notre cahier «Livres» de jeudi dernier) paraissait aux Editions Odile Jacob La liberté nous aime encore, dans lequel, sollicités par Roger-Pol Droit, Dominique et Jean-Toussaint Desanti portaient un regard croisé sur leur vie commune, leur amour, leur trajectoire intellectuelle et politique. Jean-Toussaint Desanti, 88 ans, relevait d'une opération cardiaque: il est mort hier. C'était l'un des plus grands philosophes et épistémologues français. Desanti a enseigné à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm ­ où il a eu comme auditeurs Louis Althusser et Michel Foucault ­ et à celle de Saint-Cloud, puis à la Sorbonne, où il a préparé à l'agrégation de philosophie des générations d'étudiants. Il a relativement peu écrit et ne s'expliquait que s'il était sommé de le faire (1), voyant dans l'«économie des paroles inutiles» une des principales vertus des hommes. N'ayant jamais quitté sa Corse natale avant 18 ans ­ il est né le 8 octobre 1914 ­, Desanti, qui avait l'habitude de se promener armé, ne connaissait rien d'autre en arrivant à Paris que le grec, le latin, les mathématiques et quelques pages de Bergson.

Exigence. Avec son ami François Cuzin ­ fusillé par les «fascistes français» en 1944 ­, il pénètre prudemment dans cette «cathédrale» qu'est l'Ethique de Spinoza. Au contact de «cette pensée autre qui vivait dans un texte», il se sent «mis en attente», placé «au seuil des mots», capables de réduire la tension de «l'effondrement de toute signification