«Régler des comptes, mettre les points sur les i, est toujours difficile, je ne crois pas que qui que ce soit puisse définir une manière correcte de vivre, nous errons toujours et nous essayons de nous y retrouver», nous déclarait Aktan Abdykalykov en février 1999, à l'occasion de la sortie du Fils adoptif, son premier long métrage. Il y racontait comment une coutume ancestrale dans la campagne kirghize autorise des parents ayant trop d'enfants à confier l'un d'eux à un couple stérile. L'évidence de ce geste de filiation par don lui était restée un peu en travers de la gorge, avait teinté son enfance d'un sentiment de décalage prolongé avec le monde. Pour le représenter dans cette évocation du passé, le cinéaste faisait jouer son propre fils, Mirlan.
Disgrâce. C'est lui que nous retrouvons aujourd'hui, nettement métamorphosé par le cours biologique de l'adolescence, sans pourtant que sa belle opacité taciturne ait été entamée. Le Singe, donc, c'est lui pour cause d'oreilles décollées, ce qui ne saute pas aux yeux parmi la cohorte des garçons de son âge, crâne rasé en vue de leur prochaine incorporation au service militaire. Le genre du film est balisé: premiers baisers, mélancolie de fin d'enfance, voyage vers un âge adulte dont rien ne dit qu'il s'annonce prometteur, vacance intérieure, états d'âme vagues. L'homme, on le sait, bute contre son propre os frontal (Kafka dixit), c'est pour ça qu'il regarde ses chaussures en inclinant la tête, qu'il fait les yeux noirs à la vie p