Il se passe avec Manoel de Oliveira quelque chose d'extraordinaire. Ces vingt dernières années auront été pour lui un lent processus de consécration. Tardive, sinueuse, la reconnaissance est désormais advenue. La place qu'il s'est creusée ou qu'on lui a faite dans notre paysage cinéphile mental est bien souvent la première et elle ne cesse de s'élargir au fil des films, dont le goutte-à-goutte s'accélère: à 93 ans passés, Manoel de Oliveira sort un film sur son enfance et prépare déjà les deux suivants.
Cette place acquise par le cinéaste aujourd'hui, c'est largement à la critique qu'on la doit: maudite critique dont on ne pourra pas dire, malgré les quelques ahuris ou attardés qui feignent encore de découvrir le «grand maître», qu'elle n'a pas fait son boulot. Mais c'est justement parce que ce boulot-là est fait qu'est arrivé aujourd'hui un autre seuil pour Manoel de Oliveira: il est grand temps que l'analyse de son oeuvre, le contact avec ses films, le regard sur sa vie et son travail soient soustraits aux griffes exclusives de la critique et déviés des considérations expertes, légitimes ou pas. La vérité est que plus la place d'Oliveira est grande, plus cette place est libre et il faut absolument encourager tous ceux qui seraient tentés de l'investir, d'aller y voir de plus près, d'en retourner les plis poétiques et d'en déplier les recoins humains.
Le photographe Claude Dityvon est de ceux-là. Il a rencontré le cinéaste il y a plus de quinze ans, dans les studios Tobis de