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Libération
Critique

La vérité si je meurs.

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Aux Bouffes du Nord, Peter Brook monte «Far Away», pièce tissée de mensonges de Caryl Churchill.
publié le 29 janvier 2002 à 21h50

Les murs blessés des Bouffes du Nord, rouge passé, couleur de sang séché, entourent des existences apparemment très ordinaires. Ils les préservent d'un monde dont la noirceur transparaît à travers leurs lézardes, comme à travers les conversations décousues des personnages réunis là, au loin. Loin et tout près, on ne sait pas où, dans ce lieu intemporel et immédiat, le théâtre.

Des cris. D'abord, il y a une fillette (Louise Andrieu, en alternance avec Marie-Elisabeth Winckler), réfugiée chez des parents. Elle a entendu des cris, elle a peur, pose des questions à une femme (Kathryn Hunter) qui fuit les réponses. Qui laisse filtrer la vérité goutte à goutte, tandis que les questions se font de plus en plus précises. Elle se dérobe en toute bonne conscience, puisqu'il s'agit de rassurer l'enfant, puisque c'est pour son bien, leur bien à tous, puisque c'est leur seul moyen de survivre à l'horreur. Aussi simple, aussi évident qu'«être ou ne pas être»: nier l'horreur, c'est accepter d'y participer sans remords. Et c'est bien ce que fait la fillette devenue adulte (Jodhi May): en compagnie d'un jeune homme (Julio Manrique), elle met tous ses soins, toute son âme à confectionner d'extravagants chapeaux, destinés à parer les condamnés à mort en route vers leur exécution.

D'Edward Bond à Sarah Kane, lorsque les dramaturges anglais se penchent sur l'état du monde, ils se montrent féroces, Caryl Churchill la première. D'abord auteur radiophonique, puis souvent jouée au Royal Court où a été