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Libération
Critique

Vu de l'épicentre de l'épicerie

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publié le 30 janvier 2002 à 21h51

«Et Nannie, pendant deux ans, elle a soigné le vieux qui restait allongé. Quand on est mort, c'est pour longtemps...» Le théâtre de Sean O'Casey fourmille de répliques comme celle-là. C'est de l'or en phrases. Et si un chanteur mendie en vain et dit «la vie est bien cruelle», ces cinq mots déclenchent des cascades de songes. Les évidences que l'Irlandais met dans la bouche de ses personnages sont frappées au coin d'un tel sens commun qu'elles se font abyssales. Le chanteur lance aussi : «... Onze marmots à élever... onze vivants, sans compter les deux morts. Si seulement c'était deux vivants et onze morts, j'aurais la conscience moins lourde.»

Chez les protagonistes peu chanceux de Nannie sort ce soir, pièce en un acte de 1924, le metteur en scène Marc François souligne un étonnement perpétuel, une sidérante maladresse. C'est en pensant aux films muets de Chaplin qu'il a dirigé les huit acteurs embarqués dans cette tragédie optimiste dont l'épicentre est l'antique épicerie de Madame Pender, prénommée Polly. Derrière son modeste comptoir, calée entre une balance à peser le fromage et des étagères de sucre, de savon, légumes secs, bougies ou friandises, madame Polly Pender sert aux hommes des verres de lait et non des pintes de bière. Maîtresse femme, lectrice de journaux, assez ferme pour faire marner un gars faiblard qui a bien envie de garder le gîte et le couvert, Polly la quinquagénaire est interprétée par Christine Fersen. Grande de la Comédie-Française, elle a l'art de d