Douchy-les-Mines
envoyée spéciale
Marc Trivier n'a pas changé. Toujours cet air malicieux à la Johnny Depp, ces mains de bûcheron et cette ardeur à trouver des mots qui rebondissent sur ses photographies aux bords noirs, hantées par le silence. Beaucoup de portraits d'écrivains, hier assis sur des chaises et aujourd'hui disparus: Beckett, Leiris, Genet; des visages d'inconnus en habits du dimanche; des carcasses d'animaux aux abattoirs de Bruxelles; des paysages, un marronnier, un champ de lin; et quelques images nouvelles, encore des paysages troués de lumière. L'ensemble est exposé au centre régional de la photographie de Douchy-les-Mines (Nord), à quelques kilomètres de Valenciennes, où s'arrête le TGV. En tout, cinquante images que Pierre Devin, le directeur, a piochées dans une collection qui en compte 10 000.
Précoce. «Il faut parfois deux minutes pour faire une image, mais il faut du temps pour l'accepter», dit Trivier, si précocement inquiet qu'à 20 ans il avait déjà mis en boîte Francis Bacon et ses «yeux de cannibale lucide». «Bouh! j'aime pas ça», dira le peintre après l'électrochoc le plus speed de l'histoire de la photographie, quarante secondes! D'autres suivront et se glisseront dans ses cadres au carré, posant le plus souvent assis, par commodité, avec un détachement parfois proche de l'abattement, ou s'étonnant, comme Michaux, de cet «étrange jeune homme» à qui il recommanda de lire Jan Van Ruisbroek, l'écrivain mystique flamand. Ce qu'il fit, entre deux voyage