Parce qu'il a été, de 1949 à 1965, le photographe attitré de Le Corbusier, Lucien Hervé est resté dans son ombre. Aujourd'hui, deux expositions rendent hommage à ce pionnier des contre-plongées sur béton, qui avait une façon bien à lui d'habiter le vide. Et l'on s'aperçoit combien son oeuvre déborde largement de la photographie d'architecture.
Lucien Hervé reçoit chez lui à Paris, rue Vineuse, sous un plafond où est reproduit un Mondrian. «Avant d'arriver en France, en 1929, je ne m'étais jamais occupé de photographie, dit le nonagénaire, né en 1910 dans une famille juive à Hódmezövásárhely (Hongrie). Mais j'avais été bigrement impressionné par les films russes, surtout Eisenstein.» László Elkán, de son vrai nom, arrive à la photo par hasard, en remplaçant son cousin parti en Espagne. Il fait ses gammes en prenant des centaines de clichés de la tour Eiffel, travaille pour le magazine Marianne. «Je trouvais les tirages de mes confrères trop mous. J'ai préféré utiliser le papier le plus dur, du numéro 5.» Il supplée ainsi, avec des contrastes forts, à ses lacunes techniques lors de la prise de vue.
A sa fenêtre. Lucien Hervé a d'abord voulu devenir pianiste. «Ma mère m'a dit: "Je ne veux pas d'un mendiant dans la famille."» Il fait aussi de la lutte gréco-romaine, est militant ouvrier. Il sera expulsé deux fois du PCF, entrera dans la Résistance. Après la guerre, encouragé par sa femme Judith, il se remet plus intensément à la photographie. Il y aura «PSQF», «Paris sans quitter