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Libération
Critique

Les cendres de la barbarie.

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publié le 8 février 2002 à 22h06

Il y a celle-là qui avance, avec une infinie lenteur. Elle émerge de l'obscurité, parlant de la fatalité comme d'une personne. «Elle», c'est la guerre. «Elle s'étendait le long des routes/ Engloutissant les villes sur son chemin./ Nous suivions sa progression à la radio.»

A la vue de suppliciés dans des charrettes, la femme a quitté sa maison: «Ma vie entière tenait en deux valises. Ma vie entière m'encombrait et m'obligeait à m'arrêter souvent...» Au milieu d'un groupe de fuyards semblables à elles, elle fut visée par les exécuteurs. Tous les autres furent abattus. L'écrivain Laurent Gaudé a donné à ce personnage non un prénom mais une qualité: la Rescapée.

Macabre besogne. Cendres sur les mains est une de ces pièces auxquelles on repense, un vrai texte de théâtre, qui s'incruste. Des images persistent de la mise en scène simple et sensible de Jean-Marc Bourg. On se souvient des lumières de Christophe Forey, qui, avec trois hauts rectangles de clarté comme suspendus ici et là, rappelle le travail de James Turrell, cet artiste californien qui donne une consistance, une profondeur au vide et une texture à des béances blanches ou grisées.

Quand la Rescapée aborde le mouchoir de poche qui, avec son carrelage blanc misérable, tient lieu de plateau, elle provoque la stupeur du tandem des Fossoyeurs.

Fossoyeur 1 (Alex Selmane) est en train de se plaindre de la fumée, de sa toux avec crachats de cendres; Fossoyeur 2 se lave les mains à tout moment pour cause de démangeaisons. Cela plus