Rien n'est plus étranger au travail de Lise Sarfati, photographe de l'agence Magnum, que le mot «instantané». Qui regarde ses images, s'y attarde. Comme devant un tableau. Composition, couleurs, traits. Rien d'esthétisant, cependant. Ni reportage ni artifice du studio. Un envahissement lent d'«idées-objets» (mot valise qui était le titre d'un projet de Lise Sarfati sur la Russie). Cette exposition, comme le livre qui l'a précédée (1), tient dans le mot Russie. Ce n'est pas un thème, c'est un pays grand comme un continent. On s'y perd, on s'y trouve. Lise Sarfati y va depuis l'adolescence. Elle y a vécu plusieurs années, en parle la langue et ne s'en tient pas comme beaucoup aux apparences, aux signes extérieurs de richesse ou de misère, aux chromos à la mode. Tout se passe comme si, en montrant les choses, Lise Sarfati donnait à voir leur envers, l'archéologie sensible de leur histoire.
Le rouge. «Les premières photos que j'ai faites en Russie, c'est dans les gares. Quand j'arrive dans une ville, c'est là que je vais d'abord. Je regarde comment les gens se déplacent. Très vite, je vais derrière les magasins, du côté des monte-charges. Et puis l'architecture: les bâtiments, cages d'escaliers, ascenseurs, couloirs. Les verticales, les horizontales, jamais la décoration. Et les couleurs qui me sautent à la gueule. Il n'y a pas de rouge en Russie. Quand on fait venir le rouge dans une image, cela crée un univers disparate. Je l'évite. Ce n'est pas bon, c'est dégueulasse. Les esth