Baldus, Bayard, Le Gray, Le Secq et Mestral. Cinq mousquetaires de la photographie: au mitan du XIXe siècle, l'Etat envoya ces pionniers à travers la France fixer l'image des monuments historiques menacés de ruine. Une expédition si fameuse en son temps, qu'on aurait pu s'attendre à voir nos photographes entrer dans la postérité aussi facilement qu'Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan. Et, certes, leur notoriété renaît, depuis une vingtaine d'années, en même temps que la faveur de la photo ancienne dans les expositions et les salles de vente. Mais après quelle éclipse...
L'oubli qui frappa les documents primitifs de l'image fixe fut long. Et ensevelit notamment cette «Mission héliographique» de l'été 1851, dont la moisson d'images s'était si totalement perdue que des spécialistes professaient encore il y a vingt ans qu'elle n'avait jamais existé. Cette commande publique, attestée par les textes de l'époque, avait été exécutée, mais ses fruits «à savoir quelque 300 négatifs, (...) non seulement ne furent jamais publiés ni exposés, mais même jamais tirés: cela est comparable à un metteur en scène qui tournerait un film dont il ne ferait pas développer la pellicule», écrivait, en 1982, l'historienne critique d'art Rosalind Krauss.
C'est la fin d'une légende maudite que scelle donc la Maison européenne de la photographie (MEP), en ouvrant enfin ses cimaises à une sélection de 58 épreuves originales de 1851, exhumées un siècle et demi après leur réalisation, grâce à Anne de Mondena