En 1987 Norman Mailer lui avait trouvé le rôle et l'épitaphe idéaux: «Tough Guys Don't Dance». Les durs ne dansent pas. Lawrence Tierney aura été cette rareté au cinéma, un dur aussi irréductible dans la vie qu'à l'écran. En soixante-quatorze films, de 1945 à 92, de Dillinger à Reservoir Dogs, il n'aura joué que les psychopathes et les flics bourrus. Quand par hasard il bravait l'oxygène dans un western, c'était pour jouer Jesse James (deux fois, dans Badman's Territory, puis Best of the Badmen). Mieux, Lawrence («Larry» pour les intimes) semble avoir passé autant de temps à se faire photographier dans les commissariats que dans les galeries publicitaires des studios. Le lascar qui, il y a quatre ans, à 78 ans, à une projection de Né pour tuer, réussissait l'exploit de se faire bannir à vie de l'American Cinematheque pour avoir pissé dans son Coca sans quitter son fauteuil («Ben quoi, t'en as jamais vu une?» avait-il demandé à la dame outrée assise à côté de lui), est mort mardi soir d'une pneumonie dans une maison de repos, au terme d'une vie étonnamment longue, vu son régime et ses habitudes.
Né à Brooklyn en 1919, fils de flic irlandais, Tierney avait un physique de gravure de mode et un caractère de cochon. Repéré sur les planches de l'Irish-American Theater et pris sous contrat en 1943 par un scout de RKO, il fut catapulté au rang de vedette en 45 après avoir joué le bandit Dillinger, immédiatement baptisé «le beau mauvais garçon de l'écran». Le film était une production