Cocktail en haut lieu, avec aboyeur annonçant les convives à coups de sons juxtaposés, de noms incompréhensibles. Femmes en robes longues et hommes engoncés se pressent sous le lustre en cristal d'un grand salon à tentures. A l'apparition d'un dignitaire, ou plutôt d'un militaire, que l'on devine allemand, le brouhaha s'envenime. Un cardinal attise les griefs. Une épouse s'offusque. Des extras se faufilent, plateaux en équilibre. Rien à saisir des échanges verbaux, ces mondains-là échangent des borborygmes, les alignent et modulent selon des courbes sonores rappelant d'authentiques phrases. Le casus belli explose: une de ces non-paroles a mis le feu aux poudres. Tableau suivant: un hôpital de campagne, où des chirurgiens opèrent les entrailles en sang d'un soldat sous drap blanc. C'est la guerre, celle de 14, qui devait être la «der des der». Toujours pas de phrases, mais un sabir, des bruitages, les échos lointains de tranchées improbables.
C'est en 1977 que Didier Flamand mit en scène ce spectacle composé de multiples visions muettes et intitulé Prends bien garde aux zeppelins, comme si ces ballons flottant symbolisaient le rêve et la menace. Une partie des nombreux comédiens impliqués à l'origine a été rejointe par d'autres: vingt-cinq ans plus tard, l'ardeur est là. Une vraie troupe remet les pas dans les pas en ce déroulé de scènes à la Tati: de l'absurdité à la douceur de vivre anéantie. Surgissent des silhouettes à ombrelles blanches et masques à gaz, succédant à un va