«La vie est dure, Andria. Ta propre mère va te vendre pour un sac de pierres, de billes, de rubans ; ton père va te balancer, ton grand-père te dénoncer, ta soeur te moucharder, ton fils te revendre !», lance à son fiston le dénommé Vojin, en père acerbe, sans illusions sur la survie dans ce quartier dévasté de Belgrade, où mieux vaut «ne compter que sur soi-même ! Tête dans le sable ! Cul contre le mur !», sans rien penser : «... et s'il arrive que quelqu'un, par pur hasard, pense à quelque chose, pourquoi, pourquoi, je te le demande, pourquoi devrait-il l'avouer ?»
Réquisitoire. Biljana Srbljanovic est serbe. En France, son théâtre a été présenté la première fois à l'été 2000 au Festival de Bussang. L'espace d'une simple mise en voix de Chute, réquisitoire sans pitié publié un an avant la destitution de Milosevic. L'auteure était venue dans les Vosges : une jeune femme née en 1970. Belle. Résolue. Déjà elle était reconnue en Allemagne, pays où désormais près de cinquante théâtres ont monté ses oeuvres. «Les Allemands aiment bien chez elle le côté trash, ses dialogues à la Quentin Tarantino», dit André Wilms qui crée dans un décor de Nicky Rieti ces Histoires de famille où Biljana Srbljanovic propulse autour d'une caravane abandonnée quatre gosses jouant à papa, maman et leur fils (ou parfois fille) interprétés par des acteurs adultes plus un chien errant. Ce pauvre clébard ne serait pas seulement un chien mais aussi une gamine paumée, privée de mots, en quête d'affection. D