On attendait Estrella Morente en vedette d'un exceptionnel week-end flamenco à Paris. Mais un état de grossesse avancé a contraint la fille du grand Enrique Morente (mariée au torero Javier Conde) à repousser son premier rendez-vous français. On se consolera d'autant plus facilement que sa remplaçante n'a rien à lui envier: moins médiatisée (et moins photogénique) que sa cadette de Grenade, Esperanza Fernandez, née à Triana, le quartier gitan de Séville, est elle aussi une cantaora (chanteuse) d'exception.
La comparaison des deux parcours est révélatrice: Estrella, précocement poussée sur le devant de la scène, s'est imposée à 20 ans avec un album superbe de rigueur et de maturité, My Cante y un Poema, succès de ventes en Espagne et diffusé depuis quelques semaines dans le monde entier par Realworld, le label de Peter Gabriel. Esperanza, d'une dizaine d'années plus âgée, a respiré dès le berceau l'essence flamenca au sein d'une famille d'artistes. Elevée musicalement dans la tradition, elle n'a jamais craint les défis et l'expérimentation: elle s'est frottée à la création contemporaine, à la musique indienne, a chanté l'Amour sorcier de Falla avec un orchestre symphonique.
Son premier album, enregistré en 2000, après dix ans de carrière, introduit avec beaucoup d'intelligence des éléments inattendus: la trompette jazzy de Jerry Gonzalez ou un quatuor à cordes. Mais ce qui émerveille dans ce disque (publié chez BMG en Espagne), c'est la musicalité et la justesse de la voix, cet