L'image, représentant un cheval cagneux tenu à la bride par un petit palefrenier en tricorne, semble un peu passée. A vue de nez, le trait fleure le XVIIe ou le XVIIIe. Cette modeste vignette, clou de la «vente Jammes», n'est pourtant pas si ancienne : les lettres de Nicéphore Niepce qui l'accompagnent la font remonter à 1825. Tout l'événement est là, cependant. Car cette date fait reculer d'un an la chronologie officielle de l'image fixe en désignant l'esquisse de cette Rossinante comme «la première épreuve photographique au monde».
Copie de copie. Un témoignage historique exceptionnel que l'Etat vient d'interdire de sortie de France. Mais dessin (comme il y semble) ou photo de dessin (comme on croit le comprendre) ? Ni l'un ni l'autre. Une gravure sur papier, où ne figure pas le moindre sel d'argent mais seulement de l'encre d'imprimerie. Et même, sans doute, une gravure de gravure, une copie de copie. Entre la première reproduction (une eau-forte, probablement flamande, aujourd'hui disparue) et la seconde, réalisée par Niepce et expédiée à son cousin Dubard de Curley en preuve de l'avancement de ses recherches, il y a une révolution technologique : l'invention de l'héliographie. Une forme de gravure mettant seulement en jeu l'interaction de la lumière et des substances chimiques, sans intervention de la main dans le traçage des lignes.
Reprenons. Au départ : le dessin d'un cheval. Un imprimeur, désireux d'en diffuser des reproductions, aura chargé un graveur (ou l'auteur lu